Lors des trois rencontres consacrées à l’industrie du futur, nous avons eu la chance d’accueillir de nombreux intervenants, toutes et tous acteurs de la formation professionnelle.
Nous avions à cœur de faire dialoguer, à chaque fois, non seulement des syndicats de salariés et patronaux – qui n’ont que trop rarement l’occasion de pouvoir échanger dans l’espace public – mais encore des représentants des centres de formation professionnelle initiale ou continue, des chargés des ressources humaines et d’autres intervenants issus des dispositifs d’observation et de conseil pour l’amélioration des conditions de travail ou de groupes politiques.
Nous tenons ainsi à remercier chaleureusement de leur participation à ces débats de l’année 2018 :
- Wilfried BELLOIR, secrétaire général Union Mines Métaux Pays de la Loire – C.F.D.T.
- Corinne BESNARD, Chef de d’entreprise dans l’industrie et membre du CA du MEDEF
- Sophie BLOUIN-AUVINET, Directrice développement et accompagnement RH – Caisse d’Epargne Bretagne Pays de Loire
- Laurent CASTAING, directeur exécutif des chantiers navals STX France
- Frédéric DOREAU, Directeur régional de l’ARACT (Agence Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail)
- Philippe DREYFUS, directeur général du CFA BTP de Saint Herblain et de Saint Nazaire, trésorier de l’Association Régionale des Directeurs de Centres de Formation d’Apprentis
- Clémentine GALLET, Présidente de Coriolis Composites
- Guillaume GUERINEAU, Co-fondateur de l’entreprise YPRESIA
- Marie-Josée KOTLICKI, secrétaire générale de l’Union régionale des ingénieurs, cadres et techniciens – C.G.T.
- Eric MALO, responsable régional adjoint de la C.F.D.T. Pays de la Loire
- Hervé RIOU, coordination « Recherche et technologie » – AIRBUS Nantes & Saint Nazaire
- Aymeric SEASSAU, Secrétaire départemental du Parti Communiste Français
Le présent document est la synthèse des trois grands axes choisis pour ce cycle :
- L’industrie du futur est-elle un progrès social ?
- Quelle formation pour l’industrie du futur ?
- Industrie du futur et bien-être au travail
1. L’industrie du futur peut constituer un progrès social et environnemental si on y associe toutes les parties prenantes
L’industrie du futur est considérée tant par les syndicats que par les responsables d’entreprise, comme une véritable chance pour le progrès social. Si, les avancées technologiques d’aide aux tâches les plus répétitives et physiques permettent d’alléger l’impact du travail sur le corps, le risque psychosocial ne doit cependant pas être négligé. Beaucoup de salariés se sentent hyper-sollicités mentalement, ont le sentiment de ne pas comprendre les enjeux et craignent de ne pas « être au niveau ». Ce sentiment est d’autant plus accru que l’évolution des technologies est exponentielle.
En ce sens, la Région doit s’appuyer beaucoup plus sur ses relations avec les syndicats et les dispositifs comme l’agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) ou l’Agence Régionale pour la Santé (ARS) pour orienter ses politiques.
La Région doit aussi promouvoir les lieux de dialogue social dans tous les secteurs où les nouvelles technologies, au-delà du domaine industriel, modifient profondément les métiers. À ce titre, elle doit s’appuyer davantage sur les propositions du Conseil économique social et environnemental régional (CESER).
L’industrie du futur doit aussi constituer un progrès pour l’environnement. Dès lors que la Région vient en aide à des industriels, elle doit veiller à mettre au centre de ses préoccupations la responsabilité sociétale des entreprises et promouvoir le développement durable. A cette fin, elle doit commander des scénarios prospectifs sur son devenir industriel et sur la façon d’opérer les transitions indispensables au monde de demain, auprès de l’université et de la recherche interdisciplinaire.
2. Un enjeu de formation qui renforce les fondamentaux et rend les esprits ouverts et curieux du nouveau
Plusieurs grands principes ont été explorés durant nos débats :
- L’importance accordée aux fondamentaux – lire, écrire, compter : le fait de consolider les enseignements fondamentaux est la condition sine qua non pour accepter les évolutions d’un métier. Cela signifie qu’il faut partout favoriser la lutte contre l’illettrisme ; l’acquisition des connaissances fondamentales à la compréhension des nouvelles technologies (lutte contre « l’illectronisme ») de leurs enjeux et des nouvelles façons de travailler (créativité, travail collaboratif, horizontalité, interdisciplinarité, travail en réseau, etc.) ; faire de la remise à niveau de qualité et développer l’ouverture culturelle et internationale.
- Dans le cadre de la formation continue, la formation entre pairs est sollicitée par les salariés. D’une façon générale, les modèles éducatifs doivent évoluer vers plus d’intergénérationnel, d’interdisciplinarité et des modes de fonctionnement plus horizontaux que verticaux.
- Les modèles éducatifs doivent être variés et complémentaires. Cela exige un haut niveau de connaissance des avancées technologiques par les formateurs dont la formation doit être soutenue. Ces nouveaux modes d’éducation doivent réussir à intégrer le « geste ancien », la capacité à faire par soi-même, manuellement, des choses très pratiques et nécessitant des savoirs techniques, tout en étant attentifs aux technologies les plus avancées : pour cela la culture technique et scientifique doit être centrale dans la formation tout au long de la vie.
- Il faut développer aussi la connaissance des nouveaux métiers et s’appuyer également davantage sur le travail du CARIF-OREF et des scénarios prospectifs sur l’emploi de demain.
- Il faut enfin s’appuyer davantage sur les initiatives de territoire et de ce point de vue-là voir ce que donneront les territoires d’expérimentation et comment faire évoluer le travail avec le CREFOP ; mais aussi les initiatives du type du livre blanc de l’industrie auquel participe Jean-Claude Charrier.
- Enfin une vision panoramique des enjeux de formation ne doit pas donner l’exclusive à un seul mode de formation : il n’existe pas UNE voie d’excellence de la formation, mais des voies plurielles de formation tout au long de la vie pour pouvoir « bifurquer », se transformer, évoluer d’un métier à un autre sans crainte de l’avenir et en fonction des aspirations profondes des individus : c’est à dire qu’un métier doit avoir un sens. Cela nécessite un engagement régional fort sur les thématiques d’éducation, de formation, de culture, de développement économique et les filières de l’alimentation, de l’énergie et de mobilités qui seront particulièrement impactées par les transitions écologiques, technologiques et scientifiques qui bouleversent d’ores et déjà le monde. La politique de formation d’une Région doit donc être dictée par la question du sens. Que doit-on proposer comme formation(s) pour que chacun puisse, par son travail ou son engagement – choisi – répondre aux défis de demain ?
3. Un enjeu quant au sens même du travail dans l’existence humaine : industrie du futur et bien-être au travail.
Les chefs d’entreprise, les salariés, les personnes formées, les demandeurs d’emploi, tous sont soumis à de graves interrogations sur le sens même du travail face à l’ampleur de la révolution technologique, scientifique et environnementale.
De même que les modes d’apprentissage doivent évoluer de façon transversale, la gestion des ressources humaines doit être repensée pour favoriser le plus possible le bien-être au travail. En ce sens, toutes les initiatives existant dans certaines entreprises et s’appuyant sur le soutien aux espaces de dialogue, à la libre initiative des salariés, etc. doivent donner lieu à des forums d’échanges de bonnes pratiques entre entreprises notamment lorsqu’elles se créent. Il faut renforcer ces espaces de dialogue au sein de lieux régionaux croisant développeurs économiques, salariés, entrepreneurs, personnes en formation. La pratique d’hackathon dans ce domaine est extrêmement stimulante.
Les salariés doivent donc se sentir à l’aise dans l’entreprise, doivent pouvoir être habitués à formuler des propositions, doivent être davantage intéressés à la gestion de l’entreprise. Les aides régionales devraient être conditionnées à ces éléments faisant l’objet d’un label. L’exemple de Cordemais, avec des initiatives venues des salariés pour tenir compte de l’enjeu environnemental et modifier les moyens de production, doit servir de modèle.
La responsabilité sociétale des entreprises et les règles du développement durable doivent être au cœur des politiques de formation. L’engagement de l’entreprise face aux défis sociaux et environnementaux doit en effet inspirer la formation. Développer et favoriser les pratiques artistiques, s’intéresser aux modes de connaissance de soi et de communication bienveillante, sont des solutions nouvelles qui ne doivent pas être caricaturées et être considérées avec le plus grand sérieux.
Si vous avez participé à une de ces rencontres et que vous souhaitez compléter ce compte-rendu, n’hésitez pas à nous contacter.